Portrait d’un administrateur : Denis Bellenot

Nous vous présentons Denis Bellenot, responsable du service Phytochimie et normalisation de l’Iteipmai et administrateur du Conservatoire.

Qu’est-ce qui t’a amené à t’intéresser aux plantes ?

J’ai toujours été intéressé et attiré par la nature, au départ plus particulièrement par les oiseaux. Je souhaitais devenir vétérinaire et pendant la préparation au concours, j’ai découvert à travers deux professeurs formidables la botanique et la chimie qui m’ont ouvert à deux mondes inconnus pour lesquels je me suis passionné. Je me suis réorienté vers des études de pharmacie qui alliaient ces deux matières, et m’ont fait connaître la pharmacognosie qui permet d’étudier les substances naturelles pouvant être utilisées comme médicament.

A la fin de mes études, j’ai eu la chance d’être moniteur de TP à la faculté et j’ai pu réaliser beaucoup de manipulations, enseigner aux promotions plus jeunes, réparer les outils du laboratoire quand cela était nécessaire. Cela a aussi été l’occasion de travailler au musée de matière médicale de la faculté à Paris V, dont quelques enseignants commençaient la réorganisation ; j’ai pu ainsi passer des soirées entières dans ces collections, ouvrant des vitrines et des dizaines de tiroirs qui foisonnaient d’échantillons du monde entier dont les noms et les odeurs constituaient un paradis : il y avait là les curures ayant servi à Claude Bernard pour ses expérimentations sur la découverte de l’influx nerveux, des échantillons de différentes expositions universelles, des pots et des bocaux de tailles et de formes variées remplis de racines, de feuilles ou d’écorces. J’ai rencontré des enseignants comme P. Delaveau, F. Tillequin et G. Clair, dont la rigueur scientifique et la curiosité sans limite m’ont servi de modèle ; ils m’ont permis d’alimenter ma soif de connaissances sur les plantes, leurs utilisations, le monde de l’infiniment petit qu’est la chimie et toutes les interactions qui peuvent avoir lieu au sein d’une cellule végétale. J’ai terminé mes études de pharmacie en présentant une thèse sur « l’oignon comme plante médicinale » au cours de laquelle je me suis aussi intéressé à sa biologie et à sa culture ; cela m’a confirmé dans l’idée qu’une même plante peut avoir des intérêts et des utilisations différentes.

Je sors de la faculté en 1985 et, après différentes expériences professionnelles en relation avec l’industrie pharmaceutique, je m’installe en Anjou en 1988 persuadé que cette région qui est au cœur de cultures de plantes médicinales m’offrirait un jour ou l’autre l’opportunité d’allier travail et passion. Je rentre en effet à l’Iteipmai début 1990 d’abord comme stagiaire et puis en octobre 1990 comme responsable du laboratoire.

Là, je suis au contact d’universitaires, de producteurs et de différentes personnes aux métiers et compétences très différents. Parmi les nombreuses rencontres très enrichissantes que j’ai pu faire à cette époque, grâce à l’iteipmai, je peux citer J. Bruneton, professeur de pharmacognosie à la faculté de pharmacie d’Angers, P. Richomme qui lui a succédé, Emile Martineau, producteur de plantes médicinales en Anjou, Hughes Jourd’hui, cueilleur et producteur de plantes médicinales, Y. Barbin, qui deviendra quelques années plus tard le « monsieur plantes » des laboratoires Pierre Fabre, Bernard Pasquier, directeur du Conservatoire jusqu’en 2017. Toutes ces personnes passionnées par leurs métiers, heureuses de partager leurs connaissances souvent très pointues dans des domaines très variés, m’ont beaucoup apporté tant d’un point de vue professionnel que d’un point de vue personnel.

A cette époque, tout est à faire dans le laboratoire car c’est une activité marginale à l’Iteipmai. Je participe donc à diverses missions toutes très complémentaires et enrichissantes. Je manipule, je répare les outils du laboratoire (encore !), je représente l’Iteipmai dans diverses commissions.

Très rapidement, je participe à différentes commissions de normalisation sur les huiles essentielles et sur les épices et aromates puis quelques années plus tard j’intègre des groupes de travail de la Pharmacopée française puis de la Pharmacopée Européenne et là encore c’est l’occasion de rencontrer des univers différents du mien, de partager et d’échanger sur les plantes, les techniques d’analyse et beaucoup d’autres sujets. Je suis une personne très curieuse et toutes ces connaissances et échanges sont très exaltants.

Au début, l’Iteipmai louait quelques mètres carrés dans un bâtiment de la faculté de pharmacie d’Angers pour faire les manipulations, puis avec la construction de la nouvelle station de Chemillé, une partie du nouveau bâtiment a été conçue et aménagée pour accueillir le laboratoire où je me suis installé avec mon matériel et mes dossiers en avril 1999. Au fur et à mesure des années, les analyses ont augmenté en nombre et en diversité, pour suivre l’évolution des réglementations et des programmes de l’iteipmai et répondre à la demande croissante de prestations. Petit à petit, de nouveaux équipements et un personnel de plus en plus nombreux sont venus me rejoindre : aujourd’hui le service compte 6 personnes à temps plein.

Toutes ces rencontres, aujourd‘hui encore, nourrissent mes passions et enrichissent mon travail.

Quel est ton regard sur la nature ?

Je trouve très intéressant d’essayer de comprendre comment a évolué la nature et quelle a été l’action de l’homme sur cette évolution. Lorsque l’on traverse les régions de France, on peut notamment en avoir une idée en regardant les différents paysages qui, pour beaucoup résultent de l’action de l’homme à différentes époques. Il suffit de prendre son temps. L’archéologie qui est aussi un de mes centres d’intérêt offre souvent des exemples très intéressants pour expliquer ou comprendre les transformations du paysage.

Mon regard peut aussi être beaucoup plus focalisé ; j’aime observer la nature de près, regarder les insectes vivre, les plantes sauvages ou cultivées et toute cette vie qui foisonne.

Examiner la nature au microscope, c’est également passionnant, voir ce qu’il y a dans des cellules, les différentes structures qui existent pour échanger, fabriquer, stocker tout ce dont la plante a besoin. Et c’est aussi souvent très beau ! (cf. photo)

C’est la nature, du macrocosme au microcosme, que j’observe et qui me passionne.

Tu es administrateur du Conservatoire depuis plus de 20 ans, pourquoi ?

J’ai été ébloui par le Conservatoire et ses collections de plantes. Je trouve cela très intéressant de les avoir toutes au même endroit, de pouvoir les identifier, les comparer et de publier des synthèses fournies et très documentées sur un genre comme cela a été le cas pour les basilics ou les menthes par exemple.

Pour moi, le Conservatoire, c’est une référence, un outil pour la filière, un milieu de passionnés.

J’y ai rencontré des gens « savants », c’est-à-dire qui ont un savoir sur les plantes, des personnes qui aiment voyager pour aller à leurs rencontres, qui se servent des connaissances actuelles en s’appuyant sur les données bibliographiques existantes et qui sont avant tout des personnes de terrain.

Toutes ces années passées auprès du Conservatoire ont été un émerveillement.

As-tu une plante préférée parmi les PPAM ou autres genres ?

Je n’ai pas d’espèce préférée, mais ma famille de cœur est celle des lamiacées. Elle est toujours belle, la plupart des espèces diffusent pleins d’odeurs remarquables et passionnantes à analyser et au microscope, il y a toujours des poils très beaux à regarder avec une diversité de formes remarquable !

La famille des Astéracées est aussi très impressionnante par sa diversité de formes et de modes de vie. Par exemple, les Séneçons sont très surprenants avec des espèces herbacées comme le séneçon commun et des espèces ligneuses de plusieurs mètres de haut comme le séneçon keniodendron du mont Kenya.

Sinon, sans lien avec la filière des PPAM, j’aime beaucoup nos orchidées indigènes pour leur beauté et leurs interactions avec les insectes ainsi que le genre des Ceropegia, plantes des régions chaudes avec des fleurs de formes très diverses comme Ceropegia woodii ou C. saudertonii ou même C. haygarphii.

Senecio rowleyanus ©Denis BellenotCeropegia linearis ssp woodii ©Denis Bellenot

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

©Denis Bellenot